ce qui sera révisé dans le contrat d'Amendis
Entré en vigueur pour une durée de 25 ans le 1er janvier 2002, le contrat de gestion déléguée d’eau, d’électricité et de l’assainissement liquide de Tanger et de Tétouan est à la veille de connaître des modifications importantes. Une première évaluation et révision du contrat de la gestion déléguée, prévue contractuellement en 2007, n’a pas encore eu lieu. Pourtant les associations de consommateurs, les industriels et société civile à Tanger et à Tétouan contestent de différentes manières ce contrat depuis 2003.
Le maire de Tanger, Fouad Elomari, a pu confirmer à La Vie éco que le processus de révision du contrat de la gestion déléguée démarrera officiellement avant le 15 avril prochain. «Je suis convaincu que l’on peut arriver à une baisse de 20% des tarifs appliqués actuellement», a-t-il précisé. «Mais cela se fera par la négociation. Rompre de manière unilatérale aurait un coût et ce n’est pas l’objectif. Mais aucune piste n’est écartée», a-t-il ajouté. La renégociation est contestée du côté de la Coordination locale de lutte contre la vie chère (CLCVC) qui regroupe 24 partis et associations. La CLCVC réclame, en effet, la résiliation pure et simple du contrat d’Amendis.
Véolia se dit ouvert à la négociation
Du côté de Véolia Maroc, maison mère d’Amendis, la renégociation du contrat ne semble pas poser un problème particulier en soi. «Véolia ne souhaite naturellement pas une résiliation du contrat», indique-t-on du côté des services de la communication. Au siège de Véolia à Rabat, on ne manque pas de déplorer «certains chiffres fantaisistes» communiqués par certains élus. La pertinence du contrat liant la filiale de Véolia Environnement, à travers sa filiale Amendis, aux villes de Tanger et Tétouan (ainsi que Fnideq, Mdiq et Martil) a été abordé de manière spectaculaire mercredi 23 mars, à Paris, lorsque le ministre des affaires économiques et générales, Nizar Baraka, a indiqué, en marge d’une rencontre entre la CGEM et le Medef, son homologue français, que le contrat d’Amendis «va être révisé» pour mieux prendre en considération le pouvoir d’achat des citoyens. Il faut dire que depuis plus de deux ans, la contestation de la politique tarifaire d’Amendis revêtait notamment la forme de sit-in hebdomadaires tant à Tanger qu’à Tétouan, débouchant parfois sur des altercations violentes avec des élus ou les forces de l’ordre. Le 18 février dernier, à l’avant-veille des manifestations nationales du 20 février, une manifestation contre la politique tarifaire d’Amendis avait tourné à l’émeute. Au lendemain de ces incidents, la mairie a décidé de la tenue de réunions régulières avec la CLCVC.
Selon diverses sources pro-ches de la municipalité de Tanger, de la société civile et du gestionnaire déléguée Amendis, il y a eu consensus pour la révision du contrat concernant trois points importants : les tarifs d’abord, mais aussi l’échéancier et le volume financier des investissements ainsi que la politique d’évaluation et de contrôle.
Sur le plan des tarifs, une comparaison effectuée par les services municipaux entre les tarifs appliqués début 2011 à Tanger, Rabat, Casablanca et Marrakech révèle que contrairement à ce qui a pu être publié ou affirmé par certains élus, les tarifs de l’électricité à Tanger ne sont pas 4 fois plus chers qu’à Fès ou à Marrakech. La différence est inférieure à 15%, en défaveur de Tanger toutefois. Dans un document municipal comparant les tarifs par tranche et par niveau de consommation à Tanger, Rabat, Casablanca et Marrakech, on retient que c’est à Marrakech que l’usager paie le moins et que c’est à Casablanca qu’il paie le plus. L’importante différence entre Marrakech et les 3 autres villes faisant partie du tableau comparatif est que Marrakech dispose d’une régie municipale et non une gestion déléguée confiée à Véolia comme c’est le cas à Tanger et Rabat ou confiée à la filiale casablancaise de Suez, la Lydec. Ce point suscite des interrogations sur les compétences locales, le coût d’une gestion déléguée, les bénéfices d’une gestion municipale saine et les aspects politiques et de bonne gouvernance locaux et nationaux. De plus, notent certains acteurs locaux, «la RADEEMA, la régie de Marrakech, figure parmi les 20 principaux contribuables du pays».
Des retards dans les travaux ou des coûts parfois disproportionnés
Mais la question des tarifs, si elle est la plus visible et la plus polémique, ne constitue que l’un des points de la renégociation maintenant prévue. Les associations de consommateurs et des sources à la municipalité de Tanger considèrent également que la politique des investissements de Véolia est à revoir. Non pas que rien ou peu a été fait, ce qui serait inexact, mais que ce qui l’a été a souffert de retards et de coûts parfois inattendus et disproportionnés. A ce jour, la mairie de Tanger attend le paiement par le gestionnaire délégué d’un total de 55 MDH en amendes des au retard et au non-respect de clauses du contrat, selon la mairie. C’est notamment le cas de la station de traitement des eaux usées et des travaux de dépollution de la baie de Tanger. Elus, habitants et industriels notent tant à Tanger, Tétouan, Mdiq ou Fnideq, par exemple, qu’il suffit qu’il pleuve un peu plus que la moyenne, comme cela fut le cas en octobre 2008 et en décembre 2009, pour que la capacité des égouts se révèle insuffisante et que l’on signale des inondations dans des zones industrielles, des avenues et des ronds-points.
Le troisième point important a trait au suivi et au contrôle du contrat. Signé entre Amendis et la ville de Tanger pour une durée de 25 ans, il prévoit une révision périodique générale tous les cinq ans. Un service technique est spécialement dédié à cette tâche. Pourtant, aucune révision n’a eu lieu jusqu’à présent alors que la première opération de ce type aurait dû avoir lieu en 2007. De plus, militants associatifs à la pointe du mouvement revendicatif à Tanger et Tétouan ainsi que quelques cadres du groupe trouvent que l’appel systématique à des filiales dans lesquels on trouve des actionnaires marocains aux côtés de Véolia ou d’Amendis rend les contrôles plus difficiles, la gestion du service public plus opaque et donc le service rendu de qualité moyenne. Ainsi, lorsque, pour l’année 2009, Amendis et ses filiales ont présenté à la mairie de Tanger des factures d’un montant de 70 MDH pour la consommation d’eau et l’éclairage, le maire a refusé de payer, soupçonnant une surfacturation. Une première. Aujourd’hui, ce problème est réglé car il s’agit de services rendus et d’un différentiel en litige peu important par rapport aux enjeux de la révision du contrat.
Un taux de rentabilité jugé plus élevé que celui de Lydec
Elus et associatifs reprochent en fait à Véolia et à Amendis d’être gourmands. Le contrat prenant effet en janvier 2002 a été signé par les deux parties contractantes sur la base d’un taux de rentabilité de 14% de la gestion déléguée au bénéfice d’Amendis. A Casablanca, le taux de rentabilité de la Lydec est de 11,5%. C’est pour cela notamment qu’une partie des Tangérois et des Tétouanais, ménages et industriels, jugent aujourd’hui une baisse des tarifs nécessaire et possible. Car outre le taux de rentabilité négocié et obtenu par Véolia avant janvier 2002, il y a les charges sur lesquelles le gestionnaire peut agir et la gestion des filiales (dont Amanor, CTHM, Cétélum, S.A.D.E.) qu’il faudrait aussi contrôler.
Aujourd’hui, 3 groupes réfléchissent aux suites à donner à la décision de réviser le contrat. Le premier groupe est constituédu bureau du Conseil municipal de Tanger pris en tenailles entre les revendications des associations de consommateurs, la société civile et les industriels. Il existe ensuite une commission présidée par l’ancien ministre des finances, Mohamed Berrada, et désignée par le ministre de l’intérieur Taieb Cherkaoui pour établir un rapport sur les différences d’interprétation du contrat entre l’autorité délégante et le gestionnaire délégué. Enfin, il y a le service de contrôle et de suivi de la gestion déléguée, une instance technique prévue par le contrat de gestion déléguée qui informe et joue le rôle d’experts auprès du Conseil municipal.
Source : La Vie éco